Etape 20 - Hébron - Au coeur de la vieille ville
Samedi 14 avril. De l'autre côté du mur. Traverser la frontière ultra sécurisée qui sépare Israël de la Cisjordanie occupée provoque une étrange sensation. Avec mon chauffeur, nous allons plusieurs fois longé le mur qui sépare l'état juif des territoires autonomes, mais occupés. Nous allons également voir les colonies juives implantées en territoire palestinien qui font tant débat et provoquent sans cesse des heurts entre les deux communautés. Des check-points incessants sont présents sur l'autoroute qui traverse la Cisjordanie et qui relie Bethléem à Hébron. Ironie du sort, nous allons même crevé à une centaine de mètres d'un check-point ! Pas vraiment rassurant. Bien sûr, nous serons contrôlés avant de pouvoir accéder à la veille ville... Ambiance.
Arrivée à Hébron***. A deux pas de la vieille ville, une affiche annonce la couleur : Yasser Arafat d'un côté, Marmoud Abbas de l'autre. Le ton est donné. Ici, plus qu'à Bethléem, on ressent les tensions qui existent entre les deux états...

Dès l'entrée de la vieille ville, des façades médiévales nous accueillent. Pas de doute : Hébron est une des plus anciennes villes du Moyen Orient. Avec quelque 200.000 habitants et une forte majorité musulmane face à une minorité juive, elle est le théâtre depuis des années de nombreuses agitations intercommunautaires... Et pour cause, elle est la ville qui renferme en son sein le tombeau des Patriarches, ville sainte à la fois pour les Juifs, les Chrétiens et pour les Musulmans. Pour La Cisjordanie, avec son dynamisme commercial, son agriculture ancestrale, son centre artisanal et sa production de pierres et de marbres, elle est en quelque sorte la capitale économique du pays.

Pour se rendre jusqu'au tombeau des Patriarches, il faut d'abord traverser une grande partie de la vieille ville encore habitée par les Musulmans... Et aujourd'hui, c'est une grande fête pour les Musulmans, du coup, la foule est au rendez-vous et une certaine effervescence gagne les rues de la cité. Autant le dire tout de suite, la présence du tombeau d'Abraham créée de vives tensions et fait d'Hébron une ville trois fois sainte. D'autant que pour les Juifs, elle situe le couronnement du roi David à Hébron qui vécut là pendant 7 ans avant de s'installer à Jérusalem.

Tout au long de la principale artère qui mène jusqu'au tombeau, c'est l'effervescence et les stands des commerçants sont littéralement pris d'assaut. Hébron est bien l'une des plus anciennes villes du monde, carrefour des routes d'Orient et d'Occident. Dès le 1er siècle, le roi Hérode faisait construire une enceinte sacrée autour de la grotte d'Abraham, mais trois siècles plus tard, la ville était détruite après la révolte des Juifs contre les Romains.

Je longe encore la rue principale. Les patisseries regorgent sur les étals. Je poursuis mon petit exposé historique... Après Rome, c'est l'empereur de Bysance qui prend le relais. Justinien couvre la ville de monuments religieux, mais ceux-ci ne résisteront pas à la guerre contre les Perses quelques décennies plus tard. A la fin du VIIe siècle, la cité devient tour à tour lieu de pélerinage pour les Musulmans, évéché à l'époque des Croisés, puis à nouveau musulmane sous les Mamelouks. La ville connaît alors son âge d'or...

Plus on s'approche du tombeau, plus la foule est dense. Et j'ai bientôt peine à suivre mon chauffeur au milieu de cette foule compacte...

Un check-point israéliens filtre les entrées de la vielle ville. C'est une cohue indescriptible. On étouffe et on se piétine tous ! Les plus petits tentent de se frayer un passage entre nous. L'air est irrespirable. La ferveur des fidèle égale la colère de ceux qui sont pressés comme des citrons ! Des gens hurlent. Les soldats israéliens s'impatientent également. Armés jusqu'aux dents, ils haranguent la foule. Quelque chose me dit que tout pourrait dégénérer en quelques secondes, mais je n'ai pas peur. Je suis le mouvement. Un supérieur de la soldate qui filtre les entrées vient donner quelques consignes. L'accès à l'esplanade du tombeau est plus largement ouverte... On commence enfin à respirer !

Hélas, aujourd'hui, l'accès au tombeau est interdit aux non-musulmans et aux non-juifs... Autant dire aux Chrétiens et aux touristes. Décidément, je n'ai vraiment pas de chance. Déjà, hier, je me suis fait refouler de l'entrée au dôme du Rocher. Ok, tant pis... Le temps de boire un petit thé chez un commerçant palestinien, de tenter ma chance à l'entrée juive du tombeau (sans succès encore !), et je me rabats vers les allées désertées de la vieille ville.

Etrange atmosphère que ces rues désertes qui contrastent avec l'autre partie musulmane de la vieille ville. Et pour cause, c'est ici que la colonie Kiryat Arba s'est implantée au lendemain de la victoire de 1967. Depuis, un chapelet de cinq colonies juives se sont implantées à l'est de la vieille ville, reliées entre elles par la rue des Martyrs. Aujourd'hui, quelque 500 colons juifs vivent protégés par quelque 1.500 soldats israëliens. Ce type de colonisation est unique en Cisjordanie car d'habitude les colonies juives surplombent les centres urbains du haut de collines avoisinantes, mais n'occupent pas le coeur de la ville.

Du coup, comme on le voit sur la photo que j'ai prise, toutes les rues de la partie Est de la vieille ville sont coupées en deux dans le sens de la longueur afin que Juifs et musulmans n'empruntent pas le même couloir. Démentiel et stupide... Mais préventif. En 1994, un colon de Kyriat Arba pénètre à l'intérieur du tombeau des Patriarches et tire sur les Musulmans : 29 Palestiniens sont tués et 200 autres sont blessés. Depuis ce massacre, les soldats israéliens ont fermé la rue principale qui relie le centre-ville à la vieille ville.

Aujourd'hui, la ville est divisée en deux zones : H1 en territoire palestinien et H2 sous contrôle israélien, soit 20% de la cité antique où vivent 45.000 Palestiniens. Ces derniers n'ont plus accès à la zone des colonies juives. Du coup, les check-points se multiplient, les trajets s'allongent. Depuis l'Intifada, entre 2000 et 2003, les habitants ont ainsi enduré quelque 600 jours de couvre-feu, occasionnant la fermeture de nombreuses boutiques et logements... D'ou cette impression de ville-fantôme dans certains quartiers avec des rues désertées laissées aux chats. Près d'un tiers des bâtiments du centre-ville sont ainsi abandonnés.





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